Le Sang des Lunes

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Le Sang des Lunes. Circé Deslandes est allée à la rencontre de femmes. Elle leur tend son micro et leur donne la parole.

Comment pourrais-je oublier mes premières règles dans ce cours de soutien, en cinquième avec mon pantalon ®Cimarron beige clair et cette grosse tache rouge au milieu ? Ça reste un souvenir hyper drôle pour moi…

On était hyper fières de se montrer

J’étais réglée à l’âge de 12 ans et demi et dans ma classe, j’étais une des dernières. J’avais l’impression d’être une nullité parce que j’étais la dernière de ma classe. Des filles. Tout le monde. Ouais, j’ai ma serviette. On parlait serviette…T’as vu ma première serviette hygiénique ! C’est complètement con. C’est un peu comme comme les hommes qui attendent leur premier poil pour se raser. Puis, une fois qu’ils se rasent, ils en ont ras le bol. Je me souviens, je disais à mes copines  » Ah, je crois que j’ai une tache rouge…. J’ai une tache, j’ai une tache. » Et certaines copines venaient vérifier quoi. Quand je les ai eues pour la première fois. J’ai vite compris que ça me plairait pas sur le long terme.

Ça y est, j’étais considérée comme une vraie fille. Mais en fait, ce n’était pas drôle du tout

 

Je suis allée aux toilettes. J’avais 12 ans, je suis allée aux toilettes. Fin de journée, c’était genre 18 heures et j’ai vu qu’il y avait des petites taches dans ma culotte. J’étais dégoûtée en fait.

C’était un secret absolu. Je voulais que personne ne le sache. C’était censé constituer une étape entre…, un passage d’enfant à femme. Je me sentais très enfant. Dans la famille, c’est la tradition d’offrir un cadeau, ma mère offert une Flik-Flak. A chaque fois que j’entends Flik-Flak,  je pense au son qui tombe part terre. Je vois des petits personnages rigolos. Mais je me dis, ça n’a aucun sens, en fait. Je mets ma montre Flik-Flak, Rouge. Sur le coup, j’ai jamais interprétée le truc. Maintenant que je redis l’histoire, c’est quand même très drôle. Un accessoire de gamin qui symbolise le temps qui passe, qui est rouge et qui s’appelle Flik-Flak. Je guettais. J’essayais de comprendre qui les avait, qui les avait pas. Et s’il y avait une autre grosse dégueulasse comme moi, qui les avait tôt, comme ça jeune, complètement seule. J’avais mal…J’avais mal, je me  roulais par terre, je souffrais le martyre. J’ai dû prendre la pilule à 12 ans pour arrêter la douleur. Je les ai eues une première fois en 11 ans et demi, un truc comme ça. Après, j’ai mis plusieurs mois pour revenir. Elles sont revenues un jour que j’attendais comme une folle. J’allais à Eurodisney. Et encore une fois, c’était un décalage total. Quoi ? J’ai peur d’aller à Disneyland. Et en même temps, j’étais une grosse dégueulasse, pleine de sang et qui avait mal. Et qui puait. Je trouvais que je puais….Qu’était pas nette.

-C’était une terreur. C’était une terreur générale. J’avais 10 ans. La réaction de ma mère a été complètement…Je pense qu’elle a marqué toute ma vie. D’ailleurs, elle m’a dit « Tu sais, fais attention, maintenant, tu peux avoir des enfants ». Et je dois avouer que à 10 ans et demi, je ne voyais pas bien le rapport. Là, tu vois…. Mais je suis une enfant.

Je ne peux pas avoir des enfants, je suis une enfant

 

-J’étais en gymnastique rythmique sportive, je fais des poutres. Je fais la règle dans les douches. On prend nos douches ensemble. J’avais 9 ans, je prends ma douche. J’ai commencé à pisser le sang. Il faut savoir que l’atavisme familial, que chez nous, on n’a pas des petites règles. On pisse le sang, comme une truie qu’on égorge. Je me déshabille, je vais prendre ma douche et VraAAA… Taches de sang dans les douches. Les meufs ont leurs pieds dedans. Tout le monde baigne dans mes règles. Les meufs me regardent, elles ont 9 ans. Elles comprennent pas. Elles appellent la prof de gym. La prof de gym arrive. Elle a appelé ma mère. Ma mère est arrivée avec des bandes hygiéniques, je suis rentrée à la maison. Et ma mère a débouché le champagne en disant Bravo tu es une femme.

Alors mes premières règles, j’ai eu mal au ventre. Mais alors, toutes les femmes de ma famille avaient des maux de ventre pas possibles. On se recroquevillait, on en gémissait, on vomissait. Ma mère était médecin, donc elle nous mettait sous des espèces de comprimés, ça s’appelaient la ®Viscéralgine forte qui nous shootaient complètement. On a déjà été hospitalisées à cause de nos règles douloureuses. Une petite perf’ d’antidouleurs et Hop ! C’est reparti pour un tour. On m’expliquait plus tard qu’en fait, c’était des règles très abondantes. On appelait ça des règles un peu hémorragiques, ce qui fait que le sang remontait dans les ovaires et tapait…Très rapidement, j’ai pris la pilule Ado et ça m’a enlevée mes règles douloureuses. Par contre, tout d’un coup, PAF… j’ai gonflé. J’ai eu des seins. Mon corps s’est transformé. Moi, qui était une espèce de petite liane. Tout d’un coup, Poummm ! Trois kilos de seins de chaque côté….Enfin voilà la monstruosité de la pilule. Je crois que c’est ®Diane 35, j’ai pris.

Je ne sais pas du tout si j’aurais eu mes règles de manière naturelle

Je sais d’ailleurs pas si je suis capable d’avoir des règles naturelles. Puisque je l’ai ai eues très tard, je devais avoir 17 ans. J’ai pris une pilule pour les avoir. On est allé voir une gynécologue avec ma mère qui m’a dit « Effectivement, ». Donc ça a été par la prise d’une pilule que j’ai eu des règles, que des règles artificielles. Et le jour où j’ai voulu, il y a quelques années, arrêter pour voir ce que ça faisait de vivre sans pilule. Je n’avais pas de règles qui sont venues du tout. Par contre, j’ai grossi, j’ai eu des boutons, j’ai eu des conneries comme ça qui ont fait qu’au bout d’un moment j’ai cherché un peu à comprendre ce qui se passait à l’intérieur, puis cela conduit à une dystrophie ovarienne. Le fait de reprendre la pilule pour gérer ça. Et puis c’est reparti. C’est reparti là dessus. Et aujourd’hui, l’endométriose qui a vu la pilule Nonstop pour ne plus avoir de règle du tout.

En ce moment, je suis contente de les avoir parce que ça prouve que je ne suis pas enceinte, donc je les accueille avec grand plaisir. Et je crois que moi, j’ai toujours bien aimé avoir mes règles et je crois même que j’aime bien avoir un peu mal. Je me fais fort de vivre absolument normalement les jours où j’ai mes règles. J’ai toujours trouvé ça insupportable. Les filles au collège et au lycée qui ne se baignaient pas à la piscine parce qu’elles avaient leurs règles. Mais bon, ça, c’est un truc. Pour le coup, je crois qu’il vient directement de ma mère et ma grand mère. On est dur au mal quoi, on n’est pas des fillettes pleurnicheuses, tu vois…Hop ! On se met en ®Tampax, on va au turbin et on a un peu mal.

C’est pas grave, on prend de la codéine et c’est cool…

 

Je deviens extrêmement, extrêmement agressive pendant trois jours. Je suis absolument persuadée que le monde m’en veut. Une journée où je pleure tout le temps. Psychiquement, je suis dévastée. Je ne suis pas dans une phase où avoir mes cycles me rassurent, donne un rythme. À un moment, je l’ai eu il n’y a pas très longtemps et en ce moment, je reviens à la phase où ce pouvoir était d’avoir mes règles. J’ai l’avantage d’avoir un implant avoir un implant maintenant qui m’enlève mes règles. C’est vrai que pendant six mois, je n’ai pas eu mes règles et j’ai trouvé ça génial, vraiment,

Souvent sur le ton de la déconnade. Mais je le dis quand même. Vivement la ménopause !

 

Alors, c’est très troublant au début, parce que ce rythme régulier de période pendant laquelle tu as tes règles et qui n’apparaît plus. C’est quelque chose qui, dans le temps, est un peu troublant. Puis, un jour, tu te rends compte que tu ne te rappelles plus quand est ce que tes dernières règles? Et que t’as pas d’inquiétude? Bien sûr. T’arrives à un moment où tu dis que les probabilités que c’est parce que je sois enceinte…Non, c’est quand même très, très voisin de zéro. Et donc, c’est cette temporalité là. Ce rythme là qui change. De toute façon, je commence à avoir passé la DLUO, Date Limite d’Utilisation. Donc, voilà, ayant maintenant 43 ans, je vais pas pouvoir faire grand chose, moi, de mes règles. On peut toujours fantasmer que j’aurai encore un enfant.Mais vu la difficulté que c’est pour moi, puisque je suis passé en PMA. Heu…voilà ça montre juste que je suis encore peut être un truc consommable et baisable. Encore que quand je me promène dans le métro et que je me promène dans la rue, jamais aucun sifflet, jamais aucune prise de numéro. Rien du tout. Mais de toute façon, je m’en étais bien rendu compte il y a quelques années, quand je m’asseyais qui allait mon sac qui était à côté. J’étais encore à cet âge où, quand il y a un homme qui pose son regard sur toi, tu te demandes Est ce qu’il me regarde, moi ? Ou est ce que c’est à mon sac qu’il en veut maintenant ? Clairement, je sais qu’il en veut à mon sac. Et je le déplore.

Je serais ménopausée, je ne pourrais plus faire l’enfant. Mais comme j’ai, je crois que j’en veux même pas d’autres. J’envisage pas, enfin pas de manière symbolique. J’envisage de manière très factuelle. J’ai plus mes règles. Ok, c’est cool.

Étant à la fin de la trentaine et donc en vieillissant et en me rapprochant inexorablement de la ménopause. Les règles aujourd’hui sont un peu le signe de la fin d’une période. Mais sinon, toute ma vie, j’ai considéré les règles comme un ennui, quelque chose de pénible. Comme quelque chose d’inutile qui m’empêchait de faire ce que je voulais….Voilà, qui était…Pfff. Je ne suis pas du tout dans ce plan : Le cycle de la femme, etc. Je n’ai jamais eu de règles douloureuses. C’est toujours réglé comme du papier à musique. Je n’envisage pas encore réellement la ménopause comme une réalité qui est vraiment toute proche, puisqu’il me reste encore quelques années. Effectivement, je trouve que les règles, c’est extrêmement pénible. En même temps, c’est facile à dire tant qu’elles sont là, parce que c’est quand d’une certaine jeunesse, d’une certaine féminité. C’est encore tout ce qui, tout ce qui fait, anatomiquement parlant, une femme d’une femme. C’est quelque part aussi un peu son utérus. Je parle bien anatomiquement, mais évidemment pas qu’une anatomie. Et donc, du coup, quand… Quand y a plus les règles, ça veut dire qu’il y a aussi une partie de notre féminité qui ne fonctionne plus. Une partie, donc. Il faut trouver à compenser ailleurs, j’imagine. Je pense en fait surtout d’assumer sa féminité autrement. C’est à dire,  Tous les autres aspects vont devoir aussi se renforcer et prendre plus de place.

 

Il m’est déjà arrivé de craindre que la ménopause ressemble au moment où j’étais sous ®Lutenyl en continu. Et alors, vraiment, ça me fait craindre la ménopause. Je veux dire, je me dis OK, ménopause et ménopause égal avoir le vagin comme du papier de verre. De fait, une libido merdique. À ce jour, je crois que je pense à la ménopause comme une épreuve de ma vie de femme à venir et j’en ai un peu peur. J’espère que d’ici là, j’aurais eu le temps de l’envisager de façon plus positive.

Le Sang des Lunes et les autres épisodes du podcast Les Déesses Sales de Circé Deslandes à écouter chaque semaine sur Radio-Chateaubriant.

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