Un objet de rien du tout. Début mars, quand les clignotants se mettent au rouge les uns après les autres, que le Coronavirus clairement se rapproche, je me mets à chercher au labo ma réserve de masques.
La mémoire de l’épidémie de SRAS en 2003 se met à hanter mes nuits. Et l’importance de disposer de ce matériel pour approcher les patients atteints n’a de cesse de m’envahir. « Me prendre la tête ». Car il s’agit bien du virus SRAS Cov 2, et non pas de Covid, mot qui lui, désigne une nouvelle maladie : je suis biologiste, je parle virus. Même si le Cov 2 est un peu moins méchant que le Cov 1, il paraît au moins aussi contagieux.
Le mot Covid, médiatique, a été imposé par la délégation chinoise à l’OMS
En 2009, pour la grippe H1N1 (d’origine porcine et née au Mexique), le ministère de la santé nous avait distribué rapidement ces masques. Cette épidémie avait été bien appréhendée : je me souviens qu’au CHU de Nantes, quelques semaines, voire quelques mois avant l ‘arrivée du virus, des salles avaient été techniquement préparées pour l’accueil des futurs malades.
Je compte les masques, 20 FFP2, et quelques jours après, j’en récupère une dizaine de la part d’une sympathique infirmière en congé maternité, cadeau : 30 masques en tout.
C’est mon trésor.
Mais revenons début mars. Au labo, un masque fait la matinée (6 heures). Puis je l’expose tout l‘après midi au soleil et au vent pour le sécher. Et quelques jours après, il est réutilisé. Il a fait très beau ces quelques semaines. Les premières études montrent une résistance de quelques jours du virus sur les métaux (à part le cuivre) et le plastique.
En milieu humide, il peut résister bien plus longtemps
Sur papier, carton, secs, il ne reste vivant que quelques heures. Je sais bien que toutes ces études demandent à être confirmées. Trouver de l’ARN du virus, ce n’est pas « trouver du virus vivant », et surtout infectieux. Même à travers un FFP2, des petits postillons colporteurs de virus peuvent passer, mais l’objectif n’est pas là : c’est celui d’effondrer globalement la population de virus Cov 2 respirée, grâce à l’ensemble des mesures « barrière ».
Depuis, des scientifiques ont testé des méthodes de décontamination de ces masques en vue de les réutiliser. Passer ces masques au four chaud à 70 °C pendant 30 mn, ça marche. Les poser dans le four sur du bois, ou équivalent. D’autres techniques, plus industrielles, ont été employées dans quelques pays.
Ces masques FFP2, je les ai donc réutilisés plusieurs jours. Et même les chirurgicaux, je n’en avais pas assez pour ne pas les réutiliser, après décontamination, pour les techniciens de labo.
Depuis la pandémie de grippe espagnole de 1917, tous les médecins savent que nous sommes à la merci de virus grippaux agressifs, tant que nous n’avons pas trouvé le vaccin ad hoc.
Mais la contagion, nous l’avons oubliée, la rougeole, la tuberculose, la diphtérie, la coqueluche, toutes ces maladies infectieuses d’avant la vaccination. Dès 1546, la Renaissance Italienne avait vu naître Jerôme Frascator, et sa « contagiosis morbis », la maladie contagieuse. Maladie « sine materia », puisque le microscope est alors inconnu, et que l’immensité et la diversité du peuple microscopique ignorées.
En 2003, les médecins chinois ont montré la seule voie possible pour éviter l’essaimage du virus du SRAS. Eux n’avaient pas oublié, et nous, nous n’avons tenu compte de cette menace que tardivement. Pourtant, un galop d’essai avait bien fonctionné en 2009, avec le virus H1N1, malgré la surestimation de son agressivité.
Le masque, un objet de rien du tout
Entre 2009 et 2019, dix ans d’inconséquence, d’ignorance. Pendant ces quelques semaines, je n’ai guère eu le temps de me pencher sur les avatars de ces masques. On les a réutilisés, contre toute recommandation, parce qu’on préférait en avoir sur le nez plutôt que rien. Au début, on a pensé à la stérilisation UV, mais en pratique, elle abime le textile en polypropylène. On a donné aux patients “à risque” des masques en tissu fabriqués artisanalement par une personne bienveillante.
Bref, on s’est débrouillé.
Loin des décideurs, qui déclaraient devant les micros, imprégnés de leur très haut sens des responsabilités, « on ne fait pas joujou avec les péremptions des FFP2 »
Avant la crise, 80 % des masques, FFP2 et chirurgicaux étaient produits par la Chine. Chercher l’erreur. Il est bien naturel que ces masques aient d’abord aidé les Chinois…Qui n ‘en produisaient même pas assez pour Wuhan… Dès Janvier, ils avaient demandé, et reçu, des millions de masques de l’aide internationale. On conçoit donc facilement, fabrication chinoise ou pas, l’extrême importance de ce qu’on appelle « le stock stratégique ».
Notion bien lointaine des gestionnaires, néo-apôtres de la nouvelle religion du« flux tendu ».