Chapitre 3 : qui suit de près le chapitre 2.
La fille s’intéresse à la psychanalyse. Mais quand elle en a parlé autour d’elle, elle s’est rendue compte que beaucoup la confondent avec d’autres disciplines psys. Alors, on retrouve l’apprentie podcasteuse, qui poursuit le petit tour de la sphère psy entamé au chapitre 2, tentant de mieux cerner les spécificités de la psychanalyse.
Afin d’éviter « les interférences », la fille invite à « mettre les téléphones en mode avion » . A ces mots, on a l’impression de décoller. Cette fois-ci, la reporter-amateur part explorer les terres psychologique, neuropsychologique, psychothérapeuthique et les îles des psycopraticiens, guidée par Coralie Chambon, psychologue spécialisée en neuropsychologie des enfants et des adolescents. Pour avancer à travers un terrain semé de sigles, la fille n’a pas de trop d’Alain, le speaker bilingue, et d’un nouveau co-équiper, stagiaire en speakologie clinique.
Coralie Chambon, psychologue spécialisée en neuropsychologie des enfants
L’interviewée décrit les cursus, les spécialisations, « les outils » des psychologues. Elle explique qu’au cours de ses études de psychologie, elle a étudié la psychanalyse mais que, pour elle, « la psychanalyse n’est qu’un outil » parmi toute une batterie de méthodes thérapeutiques. C’est en fonction des difficultés ou des besoins repérés chez le patient que Coralie Chambon opère un choix parmi ces diverses techniques.
Au départ, la fille pense que seuls les neuropsys s’intéressent aux neurones; mais au fil de la conversation, elle découvre que les psychologues aussi ont du cerveau plein la tête. Elle se demande pourquoi le cerveau est aujourd’hui dans tous les esprits alors qu’au temps de Fréhel déjà, on faisait le constat que certains étaient un peu plus « bancals du côté cérébral » que d’autres. Coralie Chambon évoque l’état actuel des connaissances scientifiques : les progrès de l’imagerie médicale, les avancées de la génétique et le développement des neurosciences ont fait la lumière sur le lien entre certains troubles mentaux et le cerveau. Par contre, la science laisse dans l’ombre la question de savoir si ce qui s’observe au niveau du fonctionnement du cerveau relève des causes ou des conséquences d’un vécu.
« La psychologie est une science »
La psychologue insiste : contrairement à la psychanalyse, « la psychologie est une science », humaine certes, mais une science, qui réalise des statistiques, identifie des tendances et met au point des normes, des méthodes et des protocoles.
Le vol se poursuit au rythme de percussions gambiennes. Le petit avion que la fille a dans la tête ne carbure plus à la curiosité, mais aux inquiétudes. En psychothérapie, les normes sont-ils des moyens ou des objectifs à atteindre ? Le concept-même de normes est-il pertinent en ce qui concerne la psyché ? Dans ce domaine, quelle place des techniques reposant sur des mesures, des tests et des protocoles réservent-elles à la parole de chacun, à son récit, à sa singularité ? En préférant à la psychanalyse l’observation et la modification des comportements, des émotions et des processus mentaux, la psychologie ne risque-t’elle pas de réduire le champ de l’être ?
« Mettre des mots sur des maux »
Mais voilà que c’est l’interviewée qui s’ouvre de ses inquiétudes. Coralie Chambon s’alarme des modalités sous lesquelles un dispositif de prise en charge des consultations psychologiques est en train de se mettre en place. Des conventions passées entre l’Assurance-Maladie et les psychologues inaugureraient-elles la paramédicalisation de la psychologie en France ? L’État français propose un remboursement, mais pas sans conditions. Pourquoi ? Il est vrai que prendre la parole, « mettre des mots sur des maux », se dire, écouter et étendre, ça prend du temps. Or, qu’on aille consulter un psychologue, un psychothérapeute ou tout autre professionnel formé et qualifié, le temps que celui-ci consacre au patient coûte de l’argent. Et forcément, quand il s’agit d’argent public, il n’est pas étonnant que l’État recherche l’efficacité. Mais une efficacité au bénéfice de qui, de quoi ?
La podcasteuse a hâte de faire part de son questionnement à des psychanalystes. Tant pis si leurs « théories ne sont pas réfutables » ; elle ne l’est pas non plus.
Un podcast produit et réalisé par Nathalie Marsac
Merci à Francis Paumier, Alain et Lilou pour leur participation à ce troisième épisode d’En cours d’analyse. Un merci particulier à Coralie Chambon pour avoir donné un aperçu de l’actualité des psychothérapies. Merci à tous ceux et toutes celles dont on n’entend pas encore la voix mais qui ont accepté ou qui vont accepter de participer aux prochaines émissions. Un grand merci à Adrien qui est parvenu in extremis à récupérer toutes les données de l’ordinateur.
Crédits :
Sona Jobarteh, Gambia, Sona Jobarteh, 6’09, single, 2015.
Fréhel, Tel qu’il est, Charles Vandair & Charlys / Maurice Alexander , 2’47, disque C’est un bureaucrate, 1936.