La Vaisselle d’Anne de Bretagne

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Blanc à la targe au temps de Jean V

La Vaisselle d’Anne de Bretagne. Gildas Salaün, spécialiste des monnaies anciennes, raconte comment les ducs de Bretagne faisaient fondre leur vaisselle d’argent pour financer la guerre.

« Nous l’avons déjà dit dans le cadre d’une précédente émission sur Jean 1er, qui avait fait fondre une partie de sa vaisselle pour payer son départ à la Croisade. Nous étions sous le règne de Jean 1er mais c’était une pratique régulière en Bretagne, comme ailleurs d’ailleurs.

Une monnaie n’avait de valeur pour le public que s’il y avait de l’argent dedans

Il faut imaginer que le Moyen-Age, nous sommes dans une période de manque en métaux précieux et singulièrement en argent. Alors que dans le, j’ai failli dire l’inconscient collectif, c’est pas tout à fait cela, mais disons dans la pratique, une monnaie n’avait de valeur pour le public que s’il y avait de l’argent dedans. Même s’il y en avait très peu.

Mais il en fallait forcément un peu. Eh bien il est arrivé à plusieurs reprises, que le duc doive fondre sa vaisselle. C’est arrivé par exemple à Jean V, lorsqu’il a dû financer un voyage vers Alençon pour y rencontrer le roi d’Angleterre qui était en pleine conquête de la France. Nous sommes dans la guerre de Cent ans.

Jean V va financer son voyage en faisant fondre une partie de sa vaisselle

Eh bien en octobre 1 419, Jean V va financer son voyage en faisant fondre une partie de sa vaisselle, à l’Hôtel de la monnaie de Nantes, pour y faire frapper des pièces d’argent que l’on appelle des florettes. C’est une jolie petite pièce qui représente trois mouchetures d’hermine sous une couronne ducale. Eh bien ces pièces-là ont été spécifiquement frappées avec la vaisselle du duc, pour donc financer son voyage.

Et Anne de Bretagne, bien plus tard, va également le faire. Pendant les derniers jours, j’ai failli dire presque les dernières heures, de l’indépendance diront certains, de la souveraineté diront les autres, du duché de Bretagne.

Anne de Bretagne est retranchée à Rennes et lutte contre les armées royales

Nous sommes le 29 juillet 1 491. Les troupes françaises royales ont pris quasiment tout le duché. Or, la ville et le château de Rennes et la fille qui estoit dedans comme on peut le lire dans certains ouvrages de l’époque, donc Anne de Bretagne en fait, est retranchée à Rennes et lutte justement contre les armées royales. Espérant toujours avoir une aide.

Et pour pouvoir payer ses soldats, pour pouvoir payer ses mercenaires allemands, parce qu’elle était défendue par des mercenaires allemands, elle va faire porter à l’Hôtel de la monnaie de Rennes, dont aujourd’hui j’ai envie de dire que le bâtiment existe toujours. Le bâtiment est du XVIIIe mais en tout cas c’était déjà à cet endroit-là, rue de la Monnaie à Rennes, qu’elle a fait porter sa vaisselle.

Ce qui lui restait de vaisselle d’argent comprenait deux flacons, deux bassins et douze écuelles d’argent pour un total de 50 marcs. Le marc, c’est le poids, l’unité qui était utilisée à l’époque. Ça fait à peu près 245 g, ce qui fait au total qu’elle a fait porter à la fonte 12 kilos d’argent qui lui ont permis de frapper 4000, 5000 pièces à peu près, on n’a pas le chiffre exact.

Mais ces pièces, on sait en revanche les reconnaître

Mais ces pièces, on sait en revanche les reconnaître. Alors attention hein, sur les 4 à 5000, il n’en reste aujourd’hui plus guère que 4, peut être 5 exemplaires. Personnellement j’en connais 4 exemplaires. Il s’agit de blanc, c’est une petite pièce d’argent, blanche parce qu’en argent. Et vous avez la légende qui rappelle Anne par la grâce de Dieu, duchesse des bretons et puis au milieu vous avez un bouclier représentant les mouchetures d’hermine. C’est le Blanc à la targe qui est assez connu parmi les collectionneurs.

Mais les pièces qui ont spécifiquement été frappées avec la vaisselle de la duchesse ont une marque distinctive. Sous la petite croix qui marque le début de la légende, il y a un gros point. Et cette marque-là, c’est ce que l’on appelle un différent d’émission*. Eh bien ces pièces-là ont effectivement été faites avec la vaisselle d’Anne de Bretagne, pour payer ses mercenaires. Pour maintenir comme je le disais, les quelques heures encore, l’indépendance du duché.

On a là une pièce qui ne paye pas de mine

On a là une pièce qui ne paye pas de mine, on sent bien que les exemplaires que l’on connaît sont en état médiocre. Pas tant par l’usure que par de mauvaises conditions de production. C’est ce que l’on appelle aussi une monnaie obsidionale. C’est à dire une monnaie de siège, faite avec les moyens du bord, tout simplement. Et ces monnaies seront bientôt, je l’annonce d’ailleurs à nos auditeurs, analysées pour savoir s’il y a des éléments spécifiques. Et retrouver pourquoi pas, la composition de la vaisselle d’Anne de Bretagne ».

*symbole pour distinguer une émission monétaire. C’est à dire un groupe de pièces frappées dans les mêmes conditions (même titre et même poids)

La Vaisselle d’Anne de Bretagne, un épisode du podcast consacré aux Histoires de Monnaies. Gildas nous enchante, petits et grands. Il nous fait aimer l’histoire.

Musique : J.S. Bach Suite In E Minor, BWV 996 – Transp. In G Minor / Göran Söllscher /Jethro Tull

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